Le Groupe n+1 poursuit son travail dans un espace à plusieurs dimensions.
Le Groupe n+1 poursuit son travail dans un espace à plusieurs dimensions.
Il fabrique des spectacles, ci-dessus.
Il organise des campements scientifiques.
Il mène sur des temps longs des projets de territoires.
Il conduit des ateliers.
Il s’applique à la direction du Vélo Théâtre.
Groupe de recherche à la scène comme à la ville,
nous faisons du théâtre comme d’autres font du camping, en fonction du terrain.
Nous avons l’habitude de nous installer sur un territoire, de l’arpenter, de nous y inscrire en y rencontrant ses habitants, sources d’inspiration de nos spectacles et acteurs à part entière des installations que nous y créons.
Nous utilisons des moyens scéniques divers
(mais néanmoins précis)
qui vont de la manipulation d’objets à l’incarnation plus classique de personnages et passant par la fabrication de dispositifs mécaniques.
Depuis 2008, nous avons réalisé une dizaine de bivouacs de recherche dans des laboratoires scientifiques, et tout autant auprès d’habitants, d’écoles, d’entreprises ou d’associations,
qui ont donné :
→ 7 spectacles
dont le dernier en date est Le Feu de l’action,
auxquels s’ajoutera celui sur lequel nous travaillons en ce moment,
L’Entorse et la règle
et
des ateliers
de toutes espèces
ainsi que
→ 4 Campements scientifiques
→ 22 Impromptus scientifiques
→ 1 vitrine de Noël
→ 1 livre, L’imprécis de vocabulaire mathématique
→ des expéditions en ville, en montagne ou en campagne
→ 1 jeu de divination
→ 1 série de films courts
et bien d’autres choses encore.
En partant des recherches de Clémence Gandillot, en travaillant dans les spectacles de Jean-Pierre Larroche, en imaginant sur une scène la résolution de problèmes mathématiques, en s’interrogeant sur le sens du mot « chose », en cherchant la différence qui existe entre une chose et une chaise, en interviewant des mathématiciens et en inventant d’autres, en enregistrant leurs conversations secrètes, en les retransmettant à travers des câbles et des écrans, en tentant de représenter sur scène l’espace qu’on a dans la tête, en mettant au point un siège de la réflexion, en organisant des championnats pour changer le monde, en écrivant des principes d’action, en osant monter une école du risque, en orchestrant des banquets de la médote, en rêvant de campements scientifiques, en les dressant d’Apt à Saint-Nazaire en passant par Évry, de jour comme de nuit, dans le feu de l’action, plusieurs personnes se sont progressivement constitués en groupe de théâtre au sein de la compagnie les ateliers du spectacle, le Groupe n+1.
avenir
Où fabriquez-vous vos spectacles ?
M : Dans des théâtres, et aussi dans des universités, des centres sociaux, des laboratoires de recherche, des écoles, des centres d’apprentissage ; et aussi dehors, en marchant.
B : Notre objet de recherche nous entraîne sur le terrain, dans des lieux propices à la rencontre de personnes incontournables a posteriori (après coup). Et c’est cette recherche qui devient l’objet de nos spectacles.
Pourquoi n+1 ?
M : Je crois que j’ai oublié… Notre premier spectacle s’appelle Le t de n-1.
B : Dès le départ ça pouvait prêter à confusion… Le projet était de fabriquer un spectacle qui s’appellerait Le t de n+1. Et on a commencé par faire Le t de n-1.
M : Le t de n-1, c’est le temps qui précède, le moment juste avant l’action.
B : Alors pendant longtemps on nous a appelé « les t de n ». Quand Léo a quitté le noyau permanent des n+1, on a hésité à nous rebaptiser nous-même « les n-1 ». Mais ça aurait définitivement semé le trouble.
M : Peut-être que ce n+1 parle de nos modalités d’écritures collectives, avec une variable n de collaborateurs, et toujours un +1 au prochain virage.
Vos spectacles sont plutôt engagés ou engageants ?
B : Engageants j’espère ! En tout cas notre principe a toujours été d’essayer d’entraîner nos partenaires de jeu, qu’ils soit élèves, professeurs, scientifiques, et le public en dernier ressort, de les entraîner en tant que chercheurs potentiels. Dans ce sens ils seraient plutôt engageants. Et peut-être engagés, parce qu’à force de se poser des questions sur le monde…
Où se situe le drame psychologique dans votre dernier spectacle ?
M : En 2019, le Groupe n+1 créait L’école du risque. En 2020, nous n’avons pas encore réussi à pénétrer les cursus académiques.
B : Nous avons découvert récemment que la CIA avait introduit des administrateurs zélés dans l’administration russe pour paralyser le système. Comme si le meilleur moyen de bloquer une organisation serait de faire respecter à la lettre son règlement ! Pourrait-on alors le débloquer en appliquant le principe inverse ? N’être à cheval sur aucun principe ? Pour mieux réussir à les défendre ? C’est un bon exemple d’un paradoxe de l’action, et du drame psychologique qui se joue dans le feu de l’action : va-t-on réussir à ce que les paradoxes dans lesquels nous nous trouvons (puisque nous ne sommes jamais à l’abri d’une contradiction) deviennent enfin moteur ?
Êtes-vous définitivement attachés au monde de la recherche ?
M : Oui, attachés au totem de la recherche. Avec le plaisir de trouver, avec d’autres, des solutions à des problèmes nouveaux. Comme dirait Léo, si tu cherches, tu t’ouvres.
B : On s’est attachés, avec de vraiment belles rencontres. C’est un monde peuplé de chercheurs de tous poils comme on à l’habitude de dire. Et il y a un principe étonnant qui se vérifie à l’usage : quand on cherche un chercheur, même si on pourrait douter de son existence, eh bien on finit par le trouver. Ça marche vraiment à chaque fois, il faut y croire.
Quand on vous dit jeu, à quoi vous pensez ?
M : Ce petit espace de liberté qui permet le mouvement. Et quand il n’y a pas de jeu, ça coince.
B : C’est de là qu’on tire notre énergie. Un peu comme en physique, il y a une différence de potentiel électrique, une tension entre deux choses écartées l’une de l’autre. Et s’il n’y a pas ce petit écart, ce petit jeu, on est collé – il n’y a pas de tension, pas d’énergie. L’excitation du jeu c’est ça, s’inventer quelque chose d’imaginaire pour pouvoir (avec la petite distance) le prendre très au sérieux, s’y croire et le faire. C’est de là que vient l’étincelle.
Vous n’avez jamais monté Le Misanthrope. Pourquoi ?
M : Pour la même raison que celle pour laquelle je ne suis finalement pas devenu plombier, je me suis intéressé à d’autres affaires.
Clémence Gandillot existe-t-elle vraiment ?
M : Oui, et il en existe même plusieurs. Clémence Gandillot est une légende en plus d’être une personne, elle est celle qui s’autorise à se poser de trop grandes questions, et à néanmoins y répondre par ses propres moyens : une utopiste.
Au fond, qu’est-ce que vous cherchez ?
M : Aujourd’hui, 19 avril 2020, je réponds : l’autonomie radicale.
B : Cinq jours plus tard : créer une action imaginaire qui aurait raison du réel.
Quel rapport entretenez-vous avec le monde des idées ?
M : Un rapport amoureux.
B : Amoureux je suis d’accord. Mais peut-être ce sentiment s’accompagne aussi d’une légère méfiance… On pourrait rester coincé dans le monde des idées ! À un moment en tout cas la dimension empirique prend le pas. Il faut réussir à lâcher ses idées, ce qui n’est pas toujours simple. On s’y est attachés à force, au fur et à mesure de leur lente élaboration. C’est fascinant en tout cas d’observer comment elle prennent corps, en se transformant.
Le Groupe n+1 est soutenu par
le ministère de la Culture et de la communication – DRAC Ile-de-France,
le conseil régional d’Ile-de-France,
l’Atelier Arts-Sciences, plateforme commune de recherche au CEA Grenoble et à l’Hexagone Scène Nationale Arts Sciences – Meylan,
le Vélo Théâtre à Apt dans le cadre de la mission de compagnonnage lieu marionnette et théâtre d’objet,
Athénor scène nomade de Nantes et Saint-Nazaire,
le Laboratoire Jean Leray – Université de Nantes,
le Quai des Savoirs, centre de diffusion et de partage de la culture scientifique, technique et industrielle de Toulouse,
le ZEF – Scène Nationale de Marseille,
le Vaisseau – Fabrique artistique à Coubert,
La Scène Nationale de l’Essonne Agora-Desnos,
la ville des Mureaux au titre du Programme Investissement d’Avenir,
MIMA Festival des art de la Marionnette de Mirepoix en Ariège,
Anis Gras Le lieu de l’autre à Arcueil.
Pour ses trois premiers spectacles, il a également reçu le soutien de :
le Centre National du Théâtre,
le DICREAM,
l’ADAMI,
la Chartreuse Centre national des écritures du spectacle de Villeneuve-lez-Avignon,
le Mouffetard – Théâtre des arts de la marionnette,
la Rotonde Centre de Culture Scientifique, Technique et Industrielle (CCSTI) de Saint-Étienne,
l’École des Mines de Saint-Etienne,
le conseil régional Rhône-Alpes,
le Festival Excentrique – Culture o Centre,
le TJP – CDN de Strasbourg,
le Théâtre Massalia
et Universcience.
Mickaël Chouquet et Balthazar Daninos forment le noyau permanent du Groupe n+1.
Lors de sa création, aux alentours de 2010, il était composé des susnommés, avec Clémence Gandillot et Léo Larroche qui l’ont depuis quitté.
Mais comment en sont-ils arrivés aux n+1 ?
Acteur et artisan du spectacle vivant.
Il pratique très tôt différents arts de la scène, et commence son chemin d’apprentissage à la croisée de différentes pratiques amateures (le chant lyrique, la musique vocale ancienne et contemporaine, la danse contact-improvisation…) et d’un théâtre de création inspiré de littérature et de philosophie (W. Benjamin , B. Brecht…)
Il rencontre et travaille avec Jean-Pierre Larroche comme acteur sur plusieurs de ses créations depuis 2003. Fortement influencé par son langage artistique, il commence à développer ses propres spectacles, au sein de la compagnie, et participe avec Balthazar Daninos, Clémence Gandillot et Léo Larroche, à l’invention du Groupe n+1.
Le t de n-1 est leur premier spectacle. Il met en scène une chercheuse, et ses recherches personnelles et par là même scientifiques sur les choses et les mathématiques.
Depuis, il participe à l’ensemble des créations du Groupe n+1.
Passionné par la Recherche et ses chemins, il y développe un théâtre documenté, souvent fait d’expériences, qui joue – comme en écho – avec la réalité des questions soulevées et des chercheurs·es rencontré·es.
En 2021, il pose son sac au Vélo Théâtre à Apt, et s’occupe du guidon en tandem.
En 2023, tout en continuant d’arpenter les chemins des risques à prendre, il poursuit son ascension du noeud du problème de l’inaction. Il cherche le lieu d’un dégagement visuel, celui qui lui offrira un panorama sur la jungle des règles et des lois…
Après avoir achevé une maîtrise de mathématiques pures et dans ce cadre, un mémoire sur la topologie du nœud de trèfle, et tandis que je commençais une aventure théâtrale singulière avec Les ateliers du spectacle, je me doutais bien qu’un jour les mathématiques referaient surface.
Et c’est Clémence Gandillot, bien plus tôt que je ne l’aurais imaginé, qui fit surface avec sous le bras une maquette de son futur livre De l’origine des mathématiques et un nombre incalculable de cahiers de brouillons. Elle était à la recherche d’autres points, comme elle disait, pour, avec elle, tracer des lignes et mettre en scène le programme de mathématiques des troisièmes !
En se penchant sur ses travaux, j’ai été d’abord séduit et intrigué par cette tentative osée et tout-à-fait personnelle d’expliquer le monde. Sa démarche faisait écho à un sentiment fort, lié à la pratique des mathématiques, qui était le plaisir de pouvoir s’autoriser, soi-même, de répondre à une question. Il ne s’agit pas d’appliquer un protocole que l’on aurait appris, mais de s’approprier un problème, et de lui inventer une solution.
Bien décidé a tracer des figures géométriques avec Clémence et le groupe des « n+1 » deux intuitions se sont vite imposées : premièrement Clémence elle-même est le matériau de ce projet et deuxièmement, il ne s’agit pas de mettre en scène les résultats de ses recherches mais plutôt sa méthode, sa démarche et d’arriver à réenclencher ses enjeux pour les mettre en jeu sur la scène.
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Au cours de notre travail, nous avons réalisé que le questionnement de Clémence appelait de nouvelles questions sans réponses. Tandis qu’elle avait déjà entrepris de comprendre le monde des choses qui nous entourent, en utilisant la logique et les outils mathématiques et puis tenté de comprendre les mathématiques elles mêmes – comment l’homme a t-il pu inventer une chose pareille ? -, ses raisonnements, à plusieurs reprises, comme par l’effet d’une force centrifuge, reconduisaient à une même question sous-jacente : au fond, comment ça marche dans la tête?
Et donc, ensemble, nous nous sommes saisis de cette nouvelle question pour « avancer dans le compliqué, mais simplement ».
Ma rencontre avec les choses remonte à plusieurs années. En 2004, j’écrivais « Chose, mémoire », mon mémoire de fin d’études aux Arts Déco Paris dont la soutenance pris la forme d’une représentation et me valut une mention très bien. Là, j’allais voir le spectacle À Distances de Jean-Pierre Larroche, dans lequel étaient cités des fragments des Cahiers de Paul Valery. En les consultant, je tombais sur un croquis du triangle ABC suivi d’un petit commentaire philosophique à propos du Temps. Me tombait du ciel le projet suivant : écrire un texte pour mettre en scène le programme de mathématiques des troisièmes ! Pour ce faire, je partis à la conquête de l’espace et du temps : 3 mois sur une île. S’ensuivit De l’origine des mathématiques, un livre illustré paru aux éditions MeMo.
Je fis la connaissance des membres de la compagnie Les ateliers du spectacle, lors de la création de Promenade de tête perdue en résidence au Portugal. De retour sur notre sol français, Jean-Pierre Larroche me proposa de l’assister dans son travail de scénographe. Tel un électron libre à la recherche d’associés, je lui montrai mon affaire de mathématiques, on dit alors qu’il a « joué les vecteurs » en pointant du doigt Balthazar Daninos et Mickaël Chouquet, deux membres actifs de la compagnie. Depuis, nous avons créé le spectacle Le t de n-1 dans les bois d’Augerville-la-Rivière, où nous a accueilli la compagnie.
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À chaque fois, il y a une forte intuition. Ou plutôt qu’une intuition, une envie. Celle qui fait qu’on se sent bien en vie le matin. Une envie derrière laquelle se cachent des questions. Les bonnes questions sont celles qui contiennent la possibilité de beaucoup d’autres questions. Les mauvaises trouvent une réponse et meurent. Et bien sur il y a le doute qui, chaque jour, remet en question le tout de la veille.
Aux alentours de 2009, sur la terrasse d’un atelier à Augerville-la-Rivière, ou dans un grenier à Puteaux, ou dans un recoin du Père Tranquille aux Halles, j’entendis Clémence Gandillot prononcer ces mots : pour faire des parallèles, il faut tracer des perpendiculaires. C’était là une hypothèse tout à fait générale, bien sûr. Mais je le pris pour moi, je crus que cette métaphore s’appliquait à mon existence, puisque je m’efforçais alors de mener de front des études d’histoire et des travaux d’écriture pour la compagnie. Il n’était donc pas impossible de faire se rejoindre, sans qu’elles se croisent jamais, des perspectives résolument contradictoires.
Avec le groupe n+1, je tâchais d’abord d’exercer mes facultés d’observation, en regardant travailler des mathématiciens au tableau noir. Peu à peu, je me pris au jeu de l’exposition sur scène des résultats de mes recherches. Je montais donc sur les planches, qui dans L’apéro mathématiques n’en étaient pas vraiment : nous jouions partout (au départ) sauf sur un plateau de théâtre. Ce fut longtemps fragile. Il me fallut quelques spectacles pour apprendre à faire un pas pour me placer dans la lumière, à visser correctement une ampoule, à séparer le jaune du blanc des oeufs. Mes camarades de jeu, astucieux et constructifs, me guidèrent avec une tendre bienveillance, portés que nous étions par un principe d’action, le principe du collectif : se regrouper pour agir ensemble dans une direction donnée.
En 2020, à peu près, je quitte le noyau permanent des n+1, et redeviens un élément de la variable.